vendredi 29 septembre 2017

Qui veut la patate chaude ?


Favoriser l’investissement financier importe au politique dans l’espoir de rendements, en fluidifiant l’épargne. Le long d’une période, en zone euro, de taux bas, avec l’objectif d’une diminution de rachat d’actifs par la banque centrale, l’action du gouvernement est courageuse, en zone risquée.
Prévoyant que sans doute, les taux vont remonter, avec l’ultime espoir d’une inflation, selon les critères de Maastrich, alors que la France ne respecte plus, depuis longtemps, les règles en matière de déficit et maîtrise tant bien que mal ses dépenses.
Avant Socrate déjà, les penseurs observaient que ce qui était ascendant finissait par descendre. On remarquera que cela fonctionne dans l’autre sens. Nullement besoin d’être un génie pour saisir cette réalité.
Les ratios des grandes banques européennes, malgré une décennie de QE (rachat d’actifs) sont toujours soumis à tension. Parallèlement, les recommandations de Bâle s’adaptent comme les « stress tests » évoluent pour ne pas entraîner une crise systémique, « Too big for fail ». L’Europe généreuse fait place aux nationalismes les plus ou moins exacerbés qui mêlent l’ignorance et les peurs devant un fait que dans leur quotidien peu de gens réalisent malgré les efforts important que leur réclame la stabilité d’un système sous pression. À chaque instant, se joue l’équilibre de la paix, en Europe. Alors que les contestations fusent de tous les côtés. Que la lutte et la résistance des peuples est accompagné des chants de l’apocalypse dans les combats singuliers de la représentation parlementaire. Le gouvernement français tient bon et semble chercher les compromis, sans complaisance, mais avec le souci de laisser à la France et à l’Europe, la chance d’un avenir dans un environnement hostile où le pire serait peut-être le défaitisme.

jeudi 21 septembre 2017

L. Andreiev : Le rire rouge


Léonide ANDREIEV
LE RIRE ROUGE
Non, je ne comprends pas la guerre, et je suis appelé à devenir fou, comme mon frère, comme des milliers de gens raménés de là-bas. Cela ne me fait pas peur. LA perte de la raison me semble aussi honorable que la mort d’une sentinelle à son poste. Mais l’attente, mais cette approche lente et infaillible de la folie, ce sentiment de quelque chose d’énorme qui tombe dans un abîme, c’est là une douleur insupportable pour la pensée. Mon coeur s’est engourdi, il est mort ; il n’y a plus de nouvelle vie pour lui ; seulement, ma pensée est encore vivante ; elle lutte encore, elle qui a été forte comme Samson et qui maintenant est faible et sans défense, pareille à un enfant ; elle me fait pitié, ma pauvre pensée. Par moments je ne puis plus supporter la torture de ce joug d’airin, qui accable mon cerveau ; j’ai envie de courir dans la rue sur la place, là où il y a des hommes, et de crier : - Cessez immédiatement la guerre, sinon…
Sinon, quoi ? Y a-t-il donc des mots qui pourraient les faire revenir à la raison ? Des mots auxquels on ne pourrait répondre par d’autres plus forts, par des mots trompeurs mais san réplique ? Faut-il se mettre à genoux devant les gens et pleurer ? Mais des centaines de milliers de créatures pleurent, et qu’en résulte-t-il ? Faut-il se tuer aux yeux de tous ? Se tuer ? Des milliers de soldats meurent journellement et qu’y a-t-il de changé ?
Lorsque je sens ainsi mon impuissance, une rage m’envahit, la rage de cette guerre, que je hais. Comme le docteur, je voudrais pouvoir incendier les maisons de ceux qui demandent la guerre, brûler leurs trésors, leurs femmes, leurs enfants ; j’aimerais empoisonner l’eau qu’ils boivent, faire sortir tous les morts de leur tombe et jeter ces cadavres dans leurs demeures impures, sur leurs couches. Qu’ils couchent avec eux comme avec leurs femmes ou avec leur maîtresses !
Oh ! si j’étais le diable ! toute l’horreur que respire l’enfer, je le répandrais sur la terre ; je serais le maître de leurs rêves et, quand, le sourire aux lèvres, ils feraient le signe de la croix sur leurs enfants, je me desserais devant eux, tout noir !... Oui, je dois devenir fou, mais que cela arrive vite, plus vite !...

L. Andreiev (1871-1919) sera par la force des choses et pour nourrir sa famille avocat et juriste. Il payera après 1905 ses amitiés dans les milieux universitaires par de l’enfermement dans les prisons tzariste. Dans son œuvre pourtant, aucun militantisme, aucun engagement sinon un réalisme sous pression, figé comme la campagne en hiver et des hommes pris dans les tourments de la vie ayant pour esprit, l’âme d’écorchés comme leur observateur lui-même témoin d’une existence difficile. L. Andreiev n’est pas un révolutionnaire. Il pose et peint, dépeint des situations sociales et des conditions historiques en tant qu’humain. Sa trace comme son empreinte sur la glace est la preuve d’une époque plus que toute étude sociologique ou politique. Inclassable, il est sans doute malsain de ne retenir que son engagement pour la sociale démocratie. Engagées, durant une courte période, les prestations militantes de l’auteur furent guidées par des amitiés dans les cercles politiques ayant utilisées les sympathies de l’écrivain mais surtout le succès que celui-ci en tant que feuilletoniste avait auprès d’un large public et une notoriété de son vivant qui ne peut-être remise en question. Très vite déçu par la révolution de 1917, L. Andreiev prendra du recul avec ses anciens camarades et c’est isolé que celui-ci mourra en 1919.